Apnée du sommeil et Didgeridoo

Sommeil / Maladies Respiratoires

Interview de Gauthier Aubé, joueur de didgeridoo, qui nous présente cet étrange instrument et nous explique comment en jouer peut aider au traitement de l'apnée du sommeil.

Quelques mots sur vous, pourquoi cet instrument ? 

J’ai commencé le didgeridoo à 18 ans (2001). A l’époque, j’avais arrêté le lycée car je m’y ennuyais profondément. J’ai découvert le didgeridoo un mois après. J’ai très rapidement su que j’en ferais mon métier. Je cherchais un instrument qui change un peu de l’ordinaire, et mon frère jumeau m’a un jour ramené un album avec du didgeridoo. Il me l’a tendu et m’a dit : « Il y a du didgeridoo dedans, ça devrait te plaire. ». Bonne intuition ! 

J’ai été dès le début passionné, j’ai donc beaucoup joué et en toute logique, j’ai rapidement progressé. Je me suis forgé mon propre style et de fil en aiguille les joueurs ont commencé par me demander des conseils, puis des cours, et enfin des concerts et des stages. Voilà comment tout cela à commencer. Le lien avec les apnées du sommeil est arrivé bien plus tard. C’est en 2008, quand je donnais mes cours dans une MJC à Dijon que Robert est venu apprendre le didgeridoo pour soigner ses apnées. Et puis d’autres sont venus. Après toutes ces années, on me demande de plus en plus de cours pour tenter de soigner les apnées. Ce qui me plait dans cette approche, c’est de voir tout le panel qu’à le didgeridoo. Il est loin de n’être « qu’un » instrument de musique. Il a tellement a apporté. 

Posons le cadre, qu’est ce qu’un didgeridoo ?  

Le didgeridoo est un instrument de musique qui vient des Aborigènes d’Australie. C’est un « simple » tube en bois dans lequel on va faire vibrer les lèvres. Au départ, le didgeridoo est un tronc d’eucalyptus naturellement creusé par les termites. D’une dimension comprise entre 1 mètre 20 et 1 mètre 80 en moyenne, n’importe quel tube fait l’affaire ! Bon… bien sûr chaque tube sonnera plus ou moins bien, vous vous en doutez… Et ça n’est pas un hasard si certaines personnes se sont spécialisées dans la fabrication de didgeridoo : créer un bon instrument demande un vrai savoir faire. Ainsi pour les fabricants de didgeridoo en eucalyptus tout le travail est de choisir les bons troncs d’eucalyptus pour en tirer le meilleur instrument possible avec le minimum de modifications. On laisse donc la nature façonner l’instrument et notre travail est d’en faire de la musique. 

Comment en jouer ?  

Le didgeridoo n’a pas de piston, pas de cordes, pas de trous, pas d’anches… Cette simplicité tient d’une raison tout simple et évidente, si évidente qu’on ne la voit pas : le didgeridoo est l’amplificateur, le corps est l’instrument. Cette observation a de grandes conséquences ! Car si le corps est l’instrument alors par extension le didgeridoo devient aussi riche et complexe que celui-ci. Observez le génie des Aborigènes : transformer la plus grande simplicité en une création des plus complexe. On ne peut que s’incliner. 

 

Dans ces conditions, il ne reste plus qu’à trouver le lien qui unira l’instrument à l’amplificateur : les lèvres. Comprenez que le joueur fait vibrer ses lèvres dans le didgeridoo pour le faire résonner. Il pourra alors créer toutes sortes de sons en travaillant sur ses lèvres, sa mâchoire, ses joues, sa langue, sa gorge, ses cordes vocales et enfin, la source de tout ce petit monde, son diaphragme. 

La technique la plus connue du didgeridoo est certainement le souffle continu. Son principe est simple : afin de ne jamais s’arrêter de souffler le joueur stocke de l’air dans ses joues pour ensuite l’expulser dans l’instrument, il pourra ainsi inspirer pendant ce temps par le nez. Grâce au souffle continu, le musicien peut jouer pendant plusieurs minutes sans jamais s’arrêter !

Le didgeridoo peut être joué debout ou assis. L’important est d’avoir le dos bien droit afin d’avoir une colonne d’air libre pour s’exprimer. 

Apnées du sommeil : jouer pour ré-éduquer ? En quoi la pratique peut être aider dans l’apnée : muscler certaines parties de la langue, autre ?

 Tout le jeu du didgeridoo est centré sur la langue. C’est bien simple, quoi que l’on fasse elle est là : son, respirations, variations… Ainsi jouer du didgeridoo c’est donc solliciter sa langue en permanence. Rien de bien étonnant donc que la pratique du didgeridoo tonifie la langue du joueur. Le lien avec les apnées pour lesquelles la langue est en hypotonie est facilement faisable… Ca n’est ni plus ni moins qu’une séance de gym linguale ! 

Lorsque vous accompagnez un patient dans sa pratique du didgeridoo, quelle est votre méthode ? 

Je ne donne que des cours particuliers (les stages sont ponctuels et se prêtent moins pour les apnées). On se voit généralement toutes les semaines au départ puis toutes les deux semaines ensuite, pour un cours de 30 min. Cela peut paraitre court mais en 30 min nous avons le temps de cibler et de voir ce que l’élève doit travailler. Ensuite, c’est à lui de faire son propre chemin pour avancer dans sa pratique. L’élève repart bien sûr avec des exercices précis à pratiquer. Cependant, ce qui me plait le plus c’est qu’il explore par lui-même les voies de l’instrument. Car si un élève prend plaisir à jouer alors il continuera sa pratique. Rien n’est plus grand que l’enthousiasme pour aller de l’avant ! 

Qu’avez vous pu observer chez vos élèves ? Sur l’apnée du sommeil ? 

Il est difficile de faire des retours généralisés. Cependant, pour les apnées j’ai eu quelques élèves qui ont pu être testé avant et après le didgeridoo. Robert, qui fût mon premier élève pour les apnées, est passé de 64 apnées du sommeil par heure à 17. En sachant que les 17 dernières sont des centrales et ce, sans perte de poids. Il y a aussi Marie-Claude qui a vue ses apnées passées de 44 à 11 apnées du sommeil par heure. Encore une fois, ces cas chiffrés sont rares car il faut que les polysomnographies correspondent. 

Au delà des apnées, il est évident que le didgeridoo agit sur le stress et apporte de la détente. Là encore, le travail sur la respiration explique facilement cela. En effet, on ne cesse d’inspirer pour créer des rythmes (3 à 5 inspires dans une phrase rythmique simple)… Alors évidemment ça détend ! Ces inspires régulières ont aussi souvent l’avantage de nettoyer les voies aériennes supérieures, et quelques un de mes élèves disent ne plus souffrir de sinusites chroniques quand ils jouent régulièrement leur didgeridoo. J’ai aussi eu des retours sur la diminution de l’asthme. Tout ces témoignages ne prouvent rien d’officiel mais il parait est évident qu’un travail sur le souffle apporte son lot d’avantages ! 

Comment les élèves viennent à s’intéresser au didgeridoo ? À suivre vos stages ? 

Bien sûr, internet est là pour diffuser l’infirmation. Ensuite, la plupart des personnes souffrantes d’apnées du sommeil venant me voir ont une idée commune : arrêter la machine ou bien ne pas la prendre. Plus grande est cette motivation, meilleure est la pratique. En effet, ceux qui sont déterminés à se libérer de la machine trouvent une ressources que n’auront pas les simples curieux. Nous avons tous expérimenté dans nos vies la force de la détermination. Et bien quand les apnées croisent le didgeridoo, ça donne des personnes de 60 ans qui n’ont jamais fait de la musique et qui se mettent à souffler dans un tube ! 

Un patient type à orienter vers cet instrument ? 

Il est très délicat pour moi de répondre à cette question car je suis enseignant de didgeridoo et non pas médecin. Cependant, comme ce que j’ai dis précédemment, la force de la pratique du didgeridoo est la tonification de la langue. A mon sens, l’enjeu n’est pas de savoir si la pratique du didgeridoo diminue les apnées du sommeil car je suis quasiment certains qu’elle les diminue… mais pas toutes ! 

Ainsi, il faudrait plutôt savoir sur quels types d’apnées du sommeil il agit. Encore une fois, je ne suis pas médecin mais si le patient a une langue en hypotonie alors le didgeridoo l’aidera. Affirmer l’inverse serait comme dire que faire du gainage ne muscle pas les abdominaux… 

Au niveau de l’âge, plus le patient est âgé plus la pratique sera souvent délicate. En effet, nous apprenons peu à écouter notre corps. Or, le didgeridoo ça n’est que cela : apprendre à observer et écouter ce dernier. Tout le jeu du didgeridoo se trouve caché dans notre bouche, notre thorax, notre ventre et c’est par l’observation qu’il se révèle à nous. De mon expérience, cela semble être plus simple de commencer le plus tôt possible. 

Quels sont les limites de la méthode ? 

Mise à part les limites que j’ai déjà évoqué plus haut, à savoir que le didgeridoo n’agirait que sur la langue et donc que sur un type d’apnées du sommeil. La plus grosse limite de cette pratique est justement… la pratique ! Le didgeridoo reste un instrument exigeant qui déroute beaucoup au départ. Maintenir un son, faire des variations et enfin s’amuser demande souvent du temps. Et la motivation est bien fragile face à l’épreuve du temps… C’est donc la plus grande limite que j’ai pu observer. La plupart des joueurs se démotivent rapidement et jouent de moins en moins jusqu’à s’arrêter. Au final, il ne reste que ceux qui ont pris du plaisir à jouer et qui ont fini par continuer à jouer l’instrument pour le plaisir., la diminution de leurs apnées devenant presque secondaire. 

Quant aux autres qui n’aiment pas l’instrument, ils finissent souvent par se démotiver. L’étude de Zurich (2006), qui a montré qu’une pratique régulière du didgeridoo entrainait une diminution des apnées du sommeil, demandait une pratique de 20 min par jour 5 jours sur 7. C’est un investissement de temps non négligeable. Aussi, le dernier inconvénient, serait la durée. En effet, il faut du temps pour que la langue se muscle de nouveau, quand on commence à souffler, il faut savoir que cela sera au minimum pour plusieurs mois… 

Une étude va commencer sur les effets de la pratique du Didgeridoo sur les apnées obstructives du sommeil, pouvez vous nous en dire plus ? 

Oui en effet il y a un projet en cours avec le CHU de Lille et la Société Française de Recherches sur les Maladies du Sommeil (SFRMS). Il est pour le moment en cours d’élaboration donc je ne préfère pas trop en dire car rien n’est sûr pour le moment. Pour ma part, je m’occuperais de tout l’aspect lié au didgeridoo et notamment toute la mise en place des exercices et de la pédagogie. Pour cela, je m’appuierais sur ma nouvelle méthode d’apprentissage que je viens de sortir cette été. Elle sera un support précieux dans ce gros projet qui m’attend ! 

 

 

Pour en savoir plus sur le didgeridoo et prendre contact avec Gauthier Aubé pour suivre un stage : 

Site web : www.gauthieraube.com 
Page Facebook : Gauthier Aubé
Téléphone : 06 52 04 37 48