Le Sommeil des Français : bon ou mauvais ?

Sommeil / Société

Que savons-nous vraiment du sommeil des 18-75 ans, en France ?

Les résultats de la grande étude du Baromètre de Santé Publique 2017, publiés en fin d’année dernière, renseignent sur les bonnes et mauvaises pratiques des Français en la matière. Temps de sommeil, dette de sommeil, restriction de sommeil, insomnie chronique : on fait le point.

Le sommeil, clé d’une bonne santé

Tout autant que l’alimentation et l’activité physique, le sommeil est essentiel pour la santé. On le sait et on ne cesse de le répéter sur Sommeil Santé, le sommeil est réparateur et joue un rôle crucial dans l’équilibre métabolique et thermodynamique, la restauration des tissus et la réparation des blessures, la croissance, la mémoire, la régulation des émotions… Entre autres !

Bien qu’il soit difficile d’estimer la norme en matière de temps de sommeil idéal, car elle varie selon les besoins de chacun, on peut toutefois constater depuis plusieurs années une diminution progressive générale du temps de sommeil en France, directement corrélée au mode de vie moderne... L’augmentation du temps de travail et du temps passé dans les transports, le développement et l’utilisation massive des nouvelles technologies, se répercutent malheureusement sur le temps et la qualité du sommeil.

Si les enquêtes successives de l’Institut National du Sommeil et de la Vigilance (INSV) des dix dernières années montrent que le Temps de Sommeil Total (TST) reste d’environ 7 heures, elles observent aussi une diminution significative du temps de sommeil en semaine (moins de 6 heures par nuit), notamment chez les jeunes adultes et jeunes professionnels. Et ce temps de sommeil bien insuffisant n’est pas sans conséquence sur la santé puisqu’il entraîne une augmentation de la morbidité en favorisant le risque d’accident cardiovasculaire et vasculaire cérébral, l’obésité, le diabète de type 2, l’hypertension, et autres joyeusetés.

Objectif et méthode de l’étude

Cette dernière étude sur le sommeil du Baromètre de Santé Publique a donc pour objectif d’actualiser les connaissances et données sur le temps de sommeil des 18-75 ans, en France en 2017. Mais pour dresser un bilan le plus précis possible de l’état général du sommeil en France, il faut également prendre en compte le temps de sommeil durant le week-end et/ou les vacances qui permet de contrebalancer le manque de sommeil en semaine, ainsi que le taux de personnes souffrant d’insomnie qui peut faire chuter la moyenne du TST.

C’est l’institut IPSOS qui a été chargé de réaliser cette grande enquête, menée par téléphone auprès d’un échantillon aléatoire de la population âgée de 18 à 75 ans et résidant en France métropolitaine. La collecte d’information s’est déroulée entre début janvier et mi-juillet 2017, avec un taux de participation de 48,5%.

Au total, 25 319 personnes ont été interrogées sur leurs habitudes de sommeil et leurs éventuels troubles du sommeil. Différentes données ont alors été prises en compte :

Les indicateurs de sommeil :

  • Le temps de sommeil total (TST) nocturne, relatif aux heures de coucher et de réveil, à la durée des éveils nocturnes et au temps d’endormissement estimé. C’est ici le temps de sommeil réel, et non le temps passé au lit, qui était recherché.
  • Le temps moyen de sieste par jour, obtenu en multipliant le nombre de siestes par la durée moyenne d’une sieste, en différenciant les temps de sieste de la semaine et ceux du week-end.
  • Le temps de sommeil par 24 heures, obtenu en additionnant le temps de sommeil total nocturne et le temps de sieste, pendant la semaine et pendant le week-end, puis de manière globale.
  • Le temps de sommeil idéal, en réponse à une unique question sur le temps de sommeil nécessaire pour se sentir en forme le lendemain.

L’insomnie chronique :

Évaluée selon les critères de l’International Classification of Sleep Disease (ICSD) de l’American Academy of Sleep Medicine.

Autres indicateurs :

Notamment, le manque de sommeil par rapport aux besoins individuels de chaque dormeur…

  • Différenciation des courts dormeurs (TST semaine-travail <6h) et longs dormeurs (TST semaine-travail >8h)
  • Évaluation de la dette de sommeil, c’est-à-dire, l’effet cumulé du manque de sommeil, par la différence entre le temps de sommeil idéal et le temps de sommeil effectif en semaine (on parle de « dette de sommeil non compensée » lorsque cette différence est supérieure à 60 minutes et de « dette de sommeil sévère » lorsque cette différence est supérieure à 90 minutes).
  • Évaluation de cette dette de sommeil par 24 heures.
  • Évaluation de la restriction de sommeil par la différence entre le temps de sommeil le week-end et le temps de sommeil en semaine (on parle de « restriction de sommeil » moyenne lorsque cette différence est supérieure à 60 minutes et de « restriction de sommeil sévère » lorsque cette différence est supérieure à 120 minutes).
  • Évaluation de cette restriction de sommeil par 24 heures

Pour mieux comprendre la distinction entre dette de sommeil et restriction de sommeil :

La dette de sommeil est la différence entre le temps de sommeil idéal et le temps de sommeil total en semaine. Elle peut donc être compensée lorsque le dormeur rattrape ce temps de sommeil le week-end ou pendant les jours non travaillés.

La restriction de sommeil est la différence entre le temps de sommeil total en repos (week-end ou jours non travaillés) et le temps de sommeil total en semaine.

Exemples : Si le dormeur a idéalement besoin de 8 heures de sommeil par nuit pour se sentir en forme mais qu’il ne dort que 7 heures par nuit la semaine, il est en dette de sommeil car il n’atteint pas son temps sommeil idéal durant la semaine. Cette dette peut éventuellement être compensée lorsqu’elle est modérée, si le dormeur « rattrape » ce temps de sommeil raccourci lorsqu’il est en repos.

Si le dormeur observe une trop grande différence entre son temps de sommeil en période de repos et son temps de sommeil total en semaine, quel que soit son temps de sommeil idéal, il est en restriction de sommeil.

Résultats

  • Sur le temps de sommeil, la dette de sommeil et la restriction de sommeil selon le sexe :

Au terme de cette grande enquête très complète, il est apparu que le temps moyen de sommeil des 18-75 est de 6h55 (6h57 pour les hommes et 6h53 pour les femmes), pour l’année 2017. Ce temps de sommeil se révèle par ailleurs plus long durant le week-end et les jours de repos (7h26) que pendant la semaine ou les jours travaillés (6h42), et on constate une durée d’endormissement moyenne de 25 minutes et une durée d’éveils nocturne de 34 minutes.

Il apparaît donc que le temps de sommeil par 24 heures est inférieur de 19 minutes au temps idéal de sommeil, avec une différence nettement plus marquée chez les femmes (34 minutes) que chez les hommes (4 minutes).

En se basant sur le TST nocturne, les statistiques sont les suivantes :

35,9% des 18-75 ans sont des courts dormeurs ; 35,2% sont en dette de sommeil et 24,2% sont en dette sévère de sommeil (sur la base du temps de sommeil nocturne en semaine) ; 27,7% sont en dette non compensée et 18,8% en dette de sommeil sévère non compensée (sur la base du temps de sommeil moyen par 24heures). Les femmes sont là les plus touchées par la dette de sommeil (23,1% de femmes en dette de sommeil non compensée contre 14,3% d’hommes), mais aucune différence de genre ne s’observe concernant la restriction de sommeil.

En considérant les écarts de temps de sommeil par 24 heures entre semaine et week-end, l’étude conclut que 17,4% des Français ont une restriction de sommeil et 14,4% ont une restriction de sommeil sévère.

Notons que le temps de sommeil moyen diffère selon la situation professionnelle et la situation financière. Ainsi, les actifs ont un temps de sommeil plus courts que les étudiants (6h48 contre 7h19), de même que les personnes aux situations financières difficiles (avec un temps de sommeil inférieur de 20 minutes aux autres)

La proportion de courts dormeurs semble également plus fréquente parmi les catégories socioprofessionnelles les moins favorisées ou les moins diplômées, les actifs occupés, les personnes seules ou vivant à l’inverse dans des foyers nombreux.

En regard des précédents résultats du baromètre santé 2010, le temps de sommeil déclaré reste stable : 7h10 en 2010 et 7h09 en 2017.

  • Sur les heures de coucher et de lever, en semaine et le week-end :

Chez les dormeurs aux horaires réguliers, l’heure de coucher moyen en semaine est23h15 et l’heure de réveil moyen 6h48. Le week-end, l’heure de coucher moyen est minuit et l’heure de réveil 8h10.

  • Sur le temps de sommeil selon l’âge :

On note une diminution progressive du temps de sommeil moyen par 24heures selon l’âge, de 7h24 chez les 18-24ans à 6h35 parmi les 45-54 ans, pour ensuite remonter à 6h48 parmi les 55-64 ans jusqu’à 6h58 chez les 65-75ans.

  • Sur le temps de sieste selon l’âge :

Les Français ne négligent pas la sieste… Plus d’un quart des 18-75 ans font au minimum une sieste d’une durée moyenne de 50 minutes par semaine, et près d’un tiers font au minimum une sieste d’une durée moyenne d’une heure le week-end.

On constate encore la diminution progressive du temps de sieste selon l’avancée en âge (63 minutes en semaine et 82 minutes le week-end parmi les 18-24 ans contre 41 minutes en semaine et 45 minutes le week-end parmi les 65-75 ans), mais la proportion des « siesteurs » reste relativement stable de 18 à 64 ans.

  • Sur l’insomnie chronique :

13,1% des 18-75 ans déclarent des symptômes d’insomnie chronique.

Quel que soit l’âge, les femmes sont les plus touchées par ces insomnies avec un taux de 16,9% contre 9,1% pour les hommes. Si la proportion de personnes souffrant d’insomnie a baissé depuis 2010 (où elle était de 16, 1%), elle ne s’observe que chez les hommes (diminution de 12,8% à 9,6%)… 

  • Sur la dette de sommeil et la restriction de sommeil, selon l’âge :

La dette de sommeil apparaît plus fréquente chez les femmes et semble également plus importante entre 18 et 54 ans.

La restriction de sommeil apparaît la plus fréquente chez les 18-25 ans puis entre 25 et 54 ans, sans réelle différence selon le sexe. Elle diminue ensuite fortement pour ne concerner que 1% des 65-75 ans.

  • Sur les liens entre insomnie chronique, courts dormeurs, dette et restriction de sommeil :

Sans surprise, les troubles du sommeil se trouvent corrélés. Les courts dormeurs souffrent plus souvent d’insomnies (22,3%), de même que les personnes en dette de sommeil (et d’autant plus si elle est sévère). En revanche, insomnie chronique et restriction n’est pas ne semblent pas liées.

  • Sur les évolutions des troubles du sommeil :

Près de la moitié des 18-75 ans rapportent des problèmes de sommeil au cours des huit derniers jours, dont 56,4% de femmes contre 42% d’hommes. Cet indicateur semble stable depuis plus de vingt ans, quel que soit le sexe. 

Conclusions

Cette étude menée auprès d’un grand échantillon de Français a permis d’observer le temps de sommeil en semaine mais aussi en période de repos, ainsi que le temps de sommeil au cours de la nuit et par 24 heures, tout en prenant en compte le temps de sieste. Elle est en cela beaucoup plus précise et complète que bien d’autres études ne mesurant que le temps de sommeil nocturne.

Les résultats et statistiques dégagés confirment malheureusement l’insuffisance de sommeil en France...

  • Le temps de sommeil passe pour la première fois en dessous de la barre des 7 heures de temps de sommeil moyen nocturne (6h45) et de temps de sommeil par 24 heures (6h55).
  • Le pourcentage de courts dormeurs (6h et moins de sommeil) atteint 35,9% en semaine, soit un tiers des Français exposés aux risques de maladies favorisées par le manque de sommeil.
  • Le pourcentage de dormeurs en dette de sommeil sévère (plus de 90 minutes de différence entre le temps de sommeil effectif et le temps de sommeil idéal) est quant à lui de 24,2%.
  • Le pourcentage de dormeurs en restriction de sommeil sévère est de 14,4%.

Un constat préoccupant, qui touche les hommes comme les femmes de tout âge…

Il parait donc urgent d’insister encore et encore sur l’importance du sommeil et d’adopter une bonne hygiène de sommeil dès le plus jeune âge pour la conserver tout au long de la vie.

Car le sommeil, c’est la santé !

Étude complète Le temps de sommeil en France à retrouver sur le site de L’INVS

 

Crédits Photos : Kate Stone Matheson via Unsplash &  John-Mark Smith via Pexels